La grand-maman fée de mon enfance
Ma grand-maman était une fée ! De ses doigts habiles surgissaient mille dessins, des robes et des costumes, des surprises de Noël emballées dans des rouleaux de papier crépon richement décorés, des œufs de Pâques fantaisistes et des couronnes fabuleuses. A une époque où cela ne se faisait pas, elle fabriquait des cartons d'invitation pour mes fêtes d'anniversaire, suscitant l'admiration et l'incrédulité de mes petites compagnes : aucune ne voulait croire que ces jolies petites cartes n’avaient pas été achetées à la librairie, en particulier le jour où Grand-maman utilisa du vernis à ongle rouge pour leur donner un effet brillant.
Ce fut encore Grand-maman qui me confectionna un extraordinaire déguisement de « reine des mers », ruisselant de rubans argentés dans lesquels se nichaient des hippocampes et des poissons. Sceptre en main, diadème sur la tête, je me sentais somptueuse et mystérieuse, enfouie dans les profondeurs marines d'une grotte imaginaire.
Grand-maman me racontait chaque soir une histoire, et comble de merveille, c’était chaque soir une histoire qu’elle inventait ! Blottie au creux de mon lit, les pieds emmitouflés dans une paire de chaussons roses tricotés pa elles, fermant les paupières pour mieux savourer l'instant, je fourrais ma petite main dans celle de la conteuse et soupirais de bonheur à l'énoncé des mots magiques : Il était une fois... Souvent, c’était à moi d’embrayer sur un mot : une grenouille, un prince, une méchante fée… Car il était toujours question de fées ou d’enchantement dans les histoires de Grand-maman, c’était une règle tacite.
Parfois, l’histoire me plaisait tant que je la redemandais, et Grand-maman s’exécutait, l’enjolivant chaque fois de nouvelles anecdotes. Il y eut ainsi une histoire cent fois recommencée, tellement elle m’enchantait. Il y était question d’une petite fille qui voulait broder un joli cadeau pour la fête des mères, mais n’arrivait qu’à un piteux résultat, qui la désolait tant qu’elle pleurait à sa fenêtre. Un papillon vint à passer et demanda à la petite enfant le pourquoi de tant de larmes. Entre deux sanglots, elle lui expliqua l’affaire. « Qu’à cela ne tienne », dit le papillon qui était un peu fée, « puisque tu veux si fort faire plaisir à ta maman, je vais t’aider ». Et chaque jour le papillon fée vint agiter doucement ses ailes au-dessus du travail de la journée, pour y laisser tomber une poussière imperceptible. La broderie malhabile se transformait alors en un travail magnifique, brillant de mille couleurs aux reflets de soie ! L'ouvrage fut achevé juste à temps pour la fête de la maman, qui fut éblouie par un cadeau aussi somptueux. Le papillon et la petite fille, bien sûr, devinrent amis pour la vie. « Et maintenant, bonne nuit, mon enfant ! »